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16 mars 2015 1 16 /03 /mars /2015 12:52

 

« Je meurs et ne sais pas ce que c'est de naître. »

L'immortalité, Alphonse de Lamartine

 

Il a écrit des sonnets ; il a cru être Pétrarque

Il n'était qu'un patraque marchand de patates

Dispensant à qui mieux mieux des recueils encor chauds d'orgueil

Son cœur, oh oui il le brade pour un sourire (la valeur ultime!)

Il était coupable et déjà puni d'être soi-même pour toujours lorsque sa mère lui enleva à son dixième anniversaire, le sommeil !

 

Il a écrit des sornettes ; il a cru qu'être poète

C'était pleurer pour des prunes, se brûler les yeux en fixant la Lune

C'était pareil à l'astronomie, mais avec un lance-comète pour chambouler l'espace-temps

Mais il n'était au fond qu'un éternel débutant.

Vivant à moitié dans un songe, souvent il s'éclipsait de ses soucis

Plongeant son corps nu dans la mer des astres,

Il voulait rencontrer le ver qui le ronge depuis des lustres.

 

Il a sifflé des nénettes ; il a cru être amoureux

Le débutant sans nul allié marche sur ses pieds sourds

Entonne une guinguette de Montmartre (il ne connaît que celle-là)

Il ne sait que monter les froids escaliers

Et les courtisans guettèrent ses jours.

 

 

Quand on ne le cita plus dans les préfaces et les gazettes

Le poète déferla la violence publique à bicyclette

Dans les barricades improvisées, il dit Je à longueur de fusillade

A un gendarme ennuyé, il fit croire qu'il était un dragon

Puis, il en eut marre, son cœur se délassa de son amant de naissance

Comme Ève croqua la pomme pour quitter Adam et Éden

Son cœur en eut marre d'être Je, quelle tuile !

Son cœur ne croyait plus en lui, et peu à peu ralentit

Marre d'être le dernier de la troupe

Marre d'être l'accoudoir de ses boissons

Marre d'être le couteau à pain de ses états d'âme

Marre d'être la cocotte-minute de son rythme inégal

Jusqu'à ce que fume le génie lyrique et le désir panique.

 

Le pauvre poète lâcha le guidon,

Il devint pâle comme le carrelage

Plus aucun rayon ne l'atteignait

Errant dans les rues (ça lui donne l'air Hoffmann)

La main sur le thorax, lacérant lascivement son sein

Il appelait au diacre, au cardiologue, à n'importe quel sauveur

Les orbites tournés vers l'intérieur, il ne trouva pas d'âme

Était-ce donc le dernier voyage, pensa le poète ?

Ma vie est-elle si vite abolie ?

Je n'ai même pas rédigé mes Mémoires en seize volumes !

Le monde disparaîtra de lui sans avoir connu sa vie et sa vieillesse...

 

Les jeunes femmes, assises à une table dans le parc, l'aperçurent

Penché sur son minuteur tremblant de peur devant le néant qui se déploie

Il n'y avait soudainement plus de grand Mystère, plus de Dieu de signalisation

Seulement la large mer du destin sur laquelle il se jetait, à contre-coeur, une planche sous le ventre

Oh combien il ne voulait pas quitter la côte et ses souvenirs

Oh combien il s'était terriblement trompé sur sa vie

Il écoutait le plus faible battement qui annoncerait la cuisson

Elles pensèrent alors qu'il avait le cœur brisé

Mais, oh non, son cœur n'était loin de là, que las de mentir, il voulait alors partir

Surtout foutre la frousse au cruel poète aux yeux alarmés par la mort qui vient sur les chapeaux de roue

Ô la Mort qu'il a tant chanté, il ne la connaît pas si bien... !

 

Arrivé flageolant et veule, au pied de l'hôpital, il s'écroula d'un coup

Sa montre indiquait huit heures et son visage grimaçait comme un diable

Une semaine plus tard, on retrouva son cœur ronronnant dans la bibliothèque municipale.

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