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16 mars 2015 1 16 /03 /mars /2015 12:42

« Tandis qu'il descendait les marches, une impression effaçait le
recueillement troublé dans son esprit : celle d'un masque
morne, reflétant le jour englouti sur le seuil du collège. »
Portrait de l'artiste en jeune homme, James Joyce

 

I


Jeune homme venant de partout
Partant pour toujours
Cherches-tu au cœur des abats-jours
La lumière de la sagesse ?


Si tel est ton souhait
Fuis, le temps presse !
L'université et ses grandes messes
Cette boîte à chaussures.


C'est fou comme on peut ne pas savoir lire
Et néanmoins sortir dans les rues ivres
Tomber amoureux de toutes les vouivres
Pis se rendre à l'université pour le plaisir.


Les hommes croient qu'à raison
Toutes les routes mènent à l’œuvre
Que les savoirs sont dans cette maison
Les hommes se trompent d'épreuve.


Passez l'arche orange et la porte battante
Vous marcherez longuement dans l'attente
D'apprendre au moins un morceau de laine
Vous ne lirez sur murs et tables que peine.


II


Qui habite ces lieux
Fermés de l'intérieur ?
Des êtres odieux
Les étudiants se meurent


Ils sont comme des fleurs,
Courbés par le poids d'une ampoule
Inondant de rayons les foules
Elles arrachent leurs racines de fureur


Les plus talentueuses des souris
Se terrent dans les bibliothèque
Et devenant fins fennecs
Contemplent le monde depuis un soupirail.


Aux abords des plans, les soupirants
Traversent à longueur de temps
Des ponts interminables
Leurs figures se perdent dans les fables.


Je suis là dans un angle mort des mémoires
Sous le cyprès, sous le préau, sous mon ennui
Mes yeux sont du diamants, par le carbone du soir
compressé de longues heures de labeur au cœur de la nuit.


Idiot et sonné, je regarde les choses marcher
Parler, rigoler et frapper nos mains avec un archet
L'harmonie crisse sur ma bicyclette en étain
Je voudrais partir et le pire c'est que rien ne me retient.


Assis de longs moments sur les bancs
Je me demande où sont partis mes bons amis
Il y a de ça un bail, où les ai-je mis ?
Oubliés sous mon oreiller blanc ?


Des étoiles filantes à perte de vue
Traversent ce système solaire
Laissant tomber derrière leurs faux airs
Une vision de leur jeunesse à des années-lumières.


Au loin arrivent les bas-frocs, godasses en mélasse
L’œil noir et le dos obsidional, marchant en masse
Adagio ou presto selon l'heure et le temps
Canaille et fripouille progressent toujours en rang.


Les lions se sentent au bel âge
Parcourant les étendues de la fac
Ils se noient bêtement dans un lac
Croyant voir un mirage.


Quel courage soulève ces truites !
Remontant le cours de l'Yvette
A l'aide d'un lourd radeau en fuite
Lourd du poids de leurs fêtes.


Que peut-on dire enfin de l'étudiant moyen ?
Il n'a aucune fin, ses doigts longs et pointus
Se prolongent en ongles torsadés et têtus
Il ne sait rien faire et rêve de piocher le bien.


En somme, telle est sa Loi :
« Soif de leçons et de messie
Rassasié d'exercices je suis, ça va merci. »


Parviendra-t-il à survivre des mois
Dans sa petite pièce trouvée à terre
Longeant un couloir de la pension
L'Enfer est pavé de bonnes intentions
L'Université, de paumés sous tension.


III


Tous les animaux abondent
Quand sonne le cor de la marâtre
En troupeau vers l'Amphithéâtre
Formant sagement une ronde.


Il n'y aura pas d’exécution
Ni de combats de gladiateurs
Mais des luttes de radiateurs
Et de prises à induction.


La meute se chamaille
Pour partager le jus
Afin de nourrir la marmaille
Leurs petits portables à genoux.


Dans le tumulte des voix, dans la salle
S'élève le ton professoral
On le reconnaît sur son piédestal
Il ressemble à la Morale.


Oh le canon au fond de la classe
Plein de poudre et de vulgarité et de crasse
Tousse tout ton soûl tu en auras besoin
Si enfin une étincelle jaillit de tes mèches sans soins.


La marelle a été remplacée
Pas effacée, la craie gît sous les lacets
Par dessus un monticule de souffre
Les pauses-clopes sont des gouffres.


Les cours magistraux que sont-ils ?
De beaux avions sans ailes ni pilote
Ô ils s'élancent dans le vide inconsutile
Les élèves grimés ouvrent grand la glotte.


IV


L’atterrissage est terrible et peu y survivent
C'est un Vendredi d'Août où la plaie se fait vive
Les étudiants chargés de cernes, pointent
Vers le sol, le crash est imminent dans leurs plaintes !


Prenant à bout de force leurs stylos
Ils écrasent leurs mines sur le final
Les loopings sont vains dans le ciel haut
C'en est fini des images d’Épinal.


Un fracas éclate au loin, parmi les vaux
Cent vingt morts et deux naufragés sauvés
Titrent les panneaux devant l'abris des vélos
C'est la fin de l'année pour les veaux.


Ils reviendront le prochain coup
Ou ne reviendront pas, les professeurs
S'en moquent, les têtes se secouent
On retrouve l'ouïe pour les même erreurs...


Je voudrais boucler le cycle
Fermer la valise et envoyer valser
Tous ces revenants du cirque
Un aller sans retour, sans cellier.


Qu'ils ne jettent pas huit ans
De leur petite existence dans
Les modestes égouts de l'université
Des voies de sortie de l'enfance


Parfois je rêve de me saisir d'un tas de pelle
Et d'ensevelir le monde pêle-mêle...
Asmodée tient le guichet de la faculté
La jeunesse restera occultée...

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