Prélude aux Yeux Bleus
« Être amoureux, c'est se créer une religion dont le dieu est faillible. »
Neuf essais sur Dante, Jorge Luis Borges
Ô l'adoration des lèvres suspendues
les cheveux crinière de soleil aux longues rainures
le souffle coupé par ce cou à la blancheur éphémère
le refrain s'intensifie, la marche s'insinue
aux portes du mur tuméfié, jaloux de la mer
bue à longs coups par les yeux matures,
les jambes stellaires traversent l'Inde
renversent les pôles, frôlent l'infinie lavande
et il reste un peu de neige d'aurore
sur la peau aux milliers de teintures
on lui donne un nom qu'on ne saurait
prononcer.
Quelques flèches de corail dorent à son Levant
elle rit un peu à la plage des pinceaux
un éclat de l'aiguille débute sa tête pouponne,
géométriquement imparfaite, en permanente fête,
rien n'est fragile, tout est doux de cathédrale
on crie à la beauté bleue comme on
appelle à la paix comme on
se confesse comme on
arrache une dent comme on
déracine un cœur.
De petits écrits discrets aux lettres pourpres
comme ces notes à la vérité envoûtante
lorsqu'elle vous parle bas,
elle susurre le fond du monde, la substance
de la transe finale, plus n'est plus de pluie
à ses yeux de rideaux, la limite de la chambre
est-elle sincère à l'adresse d’extérieur
celle qui peut se le permettre ?
Le rose se déchire au son de ses joues
le feu n'est qu'un mensonge pour qui
a vu l'ambre de madone pour qui
a regardé les yeux doux de brûlure, pour qui
a connu l'Enfer du regret salé,
de la langue mordu,
de la pièce manquante, pour qui
les grands espaces du corps cristallin s'arrangent de mystère
d'un chuchotement de la glotte nocturne
d'un truchement de l'âme virginale.
(Ô l'abhorration du large monde vacuité
un champ de blé, les yeux ne s’accommodent
à la trace de tes pas, tes pieds alpins
calme, plat, comme des ondes résonnantes.)
Mais pourquoi parler de l'absence impossible
à milles lieux de ta voie ruisselante de lumière
comme une cascade en vitraux magnifique
aux poissons de crépuscule la remontant,
des échos de l'amour vital
se baladent sur les berges vingt ans après
ces oiseaux en queue de porte-plume.
Jubilations vers le ciel, ces reins balançants,
la robe flotte en virgule inconséquente
les ponts saluent la progression blonde
l'encens charme les grains d'argent du nez
en papilles de rouille appétissantes,
et des couleurs de la Trinité
prière de la mèche arômée d’angélique
chérubine aux accents ancestraux
rameaux pluvieux étincellent, comme les hanches
aux matinées parisiennes et tout l'être
danse au dixième chant de l'île
supernova de défiance, le téméraire des yeux
recentre l'univers aux confins des bras
élancés et enlaçant comme ces brises accueillantes
sur une nouvelle rive de France,
les palmes naviguent à son voile
Cybèle râle et se noie, on ne résiste
aux voûtes en miroir de Lune
de la Sainte Personne, jaune de fauvisme
les yeux bleus font un horizon orange
d'orage menaçant, les mirages du Beau
agitent les harassantes passions,
qu'importe, j'y pose le Nord
et le corps à l'âme bleutée scellé ;
d'incroyables contes à chaque séjour
vers cette femme aux croissants
yeux bleus.
Les yeux bleus plus forts que Dieu
que le toit du canal perché et laiteux,
que les yeux bleus.
LES YEUX BLEUS
L'oeil bleu croissant puis refluant au fleuve Tempé incessant des tempes de la vie ;
Le cercle azur de la pupille éclatant de méchants reflets, d'espoir et d'extase
Est-ce une tache ou une blessure, cette percée noire dans l'océan optique ?
Ou bien la vérité baignant, certaine, dans l'eau aisée de la ronde occulaire ?
Jamais d'ombrage, de faux embages, le fond de l'âme persiste clair,
Même brille comme la Seine caressée par le Soleil aux soirées libidinales
Quelle soif de l'oeil intarissable, elle trotte pour boire sans jamais voir :
Haute dans les cimes de ses cils portant les yeux aux racines du monde
Elle ne regarde pas les crimes, enfin effleure un coeur en riant aux Dieux
Mais tu bats de l'oeil, c'en est fini de la peur de l'Eté prochain ! tu renvoies l'envieux ! le bleu s'est fait Ether !