« Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres. » – Le Bateau Ivre, Arthur Rimbaud
Ô Soleil gelé dans son mouvement d'élipse !
On y voit que du feu, dans cette éclipse
Les rougeurs rousses aux couronnes de verger.
Est-ce toi nqui a fait traverser la Mer Egée
Par des milliers de braves fils de Persée
Est-ce toi qui rit du sourire de l'Eté ?
Est-ce toi qu'on trouve tendrement alitée
Au fond du panier percé ?
Mes lèvres ne savent où croquer l'arbre
On imagine le trognon comme la statue dans le marbre
Et tout n'est que forteresse jaune doré
Pour mes dents affamées qui observent l'adoré ;
Elle danse la légère courbe lovée et rouge
On tourne sa queue paresseuse
Comme on défait le chignon d'une pythie
Découvrir à notre tour
Combien durera notre amour
Un, deux, a, b, c...
La grosse bille feutrée roule sur la marelle !
Tu as, les rameaux pour filets, capturé ta propre pluie
Tu as, le coeur pour modèle, filé ton corps d'une aquarelle
Tu as, le silence pour credo, volé les pepins de la nuit.
Goût du blé embrasé, la langue scie
La ronde pierre de la matinée se scinde aussi
Lorsque la machoire embrasse avec force
La pomme, indomptable écorce.
Evidemment la bobine du pommier
Evidemment le yo-yo mieleux
Evidemment le vide atomique
Evidemment le vice du big bang
Evidemment
Qui a pu oser la pomme de cyanure ?
Ces formes lascives, dos sur eux-même encerclés,
Elles défient les poires vieillissantes
Et je n'ai toujours pas entendu la rose de celles-ci
Je crains toujours que la brune lèpre sente
Colore et enflaccide vos fesses callipyges comme Elise.
Je rêve d'un gigantesque sycomore sur la plage
D'où flotteraient les disques sucrés et légers
Au-dessus de la mer, cette virginité du verger
Au-dessus de la mer, nous serons couchés sages
Au-dessus de la mer, toutes les figures joyeuses et pommelées
Au-dessus de la mer, nous remplacerons les ampoules et les ampoulés
Par des pommes rayonnantes de simplicité !
Il sera interdit de ne pas en manger !
Ah la source de nos vies, infini bleu à jamais cité
Par les yeux des belles, nos urnes seront logées
D'amples coupes de bitter et d'armagnac
Le calva et le cidre arroseront nos terres, nos gés
Nous irons même sonner l'esprit du cognac
Nos mages caressant les pommes pour l'almanach
Ô druides d'Angleterre jusqu'en Normandie
L'éclat des taches de peinture fauve vous fascine
Les pommes bercent dans leurs marches tranquilles et dessinent
Les mines des enfants rassurés.
Au-dessus de la mer, les elephants azurés
Emergeront de la fine marine de brille
Et feront de ces étoiles du Soleil
De douces pommades pour leurs sommeils
Nous les recolterons pour nos âmes en veille.
Alors disparaîtront de honte le quarteron des ânes
Les menteurs imitateurs, les pommes de pin ou de terre
Ils se changeront en désirables rotondités
Vertes, roses or voire érable, après un séjour à Dité
Ils auront rougi de leur malice pour l'accepter.
Je comprends, souche de lumière dont l'ombre
N'est qu'un fremissement de nos doutes
Que la maladresse de nos mains
Que l'hennissement de nos fins
Qu'une lueur dissimulée.
Je comprends pourquoi Eve est tombée en Décembre
Quand ta chair, ô pomme, altière rechauffe l'air
Nos appetits dévorent l'ennui de l'Hiver.
Eve poussa les lèvres d'Adam grâce à la clé des siennes
Tout ce qu'elle voulait, c'était défaire le mécanisme
Débloquer le petit jeu du système fermé sur ses persiennes
Ouvrir l'univers, déguster la pomme d'Adam
Nous preferons la folie de l'Enfer, cela est dit,
A toutes les folies printanières du Paradis :
Un seul pommier qui n'est que l'ombre de la vérité
L'Idée de la pomme
Les sourires des quartiers de son sein
Les rubans de ses epluchures
Tout cela pour voir la blancheur absolue
De cette peau que j'agrippe de ma paume
Ô fruit du savoir, offre-nous une chute d'homme !
Ruisselle dans nos ivoires, nous sommes tes élus !