Orphée est mort ; J'ai fermé sa porte.
Le jour se leva péniblement, écrasé par la tonne de neige qui croulait sur son corps. Les fines lames de glaces se plantaient dans le sol, calmement, sans un bruit. Le soleil subsistait dans le ciel, mais il semblait plus froid et plus mort que d'habitude. Les arbres arboraient un tout nouveau pelage diaphane qui seyait admirablement bien à leur peau noir boisé. Quelques lapins qui sautaient vaillamment dans la neige dru, étaient fort étonné quand la brise fut venue. Une brise qui était apparente au souffle d'un enfant sur une bougie longea les fenêtres du pacifique fortin encore plus blanc qu'habitude.
C'était à l’intérieur, un vent bien plus fort qui s'agitait. Un être affolé se jouait des lampions, remuant des bras, incompréhensible. On ne reconnaissait plus l'homme d'hier, calme au rire intérieur. La bête sautait sur tout les recoins en les menaçant, il pointait ses griffes et ses dents invisibles sur chaque ombres. La bourrasque humaine arriva jusqu'au chambres à coucher lugubres. Entrant dans un coup de vent, il surgit devant l'enfant endormi qui était beau et dont aucun être normal n'aurait eu l'audace de réveiller, non pas par peur, mais par respect pour le joyau intact.
Mais, le blizzard terrible passa outre ces lois et renversa l'enfant en l'alertant comme d'un mal pire que la peste. «Hiver est parti, Hiver a fui ! Je ne le vois plus, morbleu !» glapit l'homme, aussi apeuré qu'un lynx combattant un loup. L'enfant qui ne comprenait pas le discours du Don Quichotte zélé face à lui, se rendormit sur le sol. Folle idée qu'eût là l'enfant sommeillant, car il fut de nouveau agrippé par le vieux qui retrouvait une quatrième jeunesse.
«-Réveille toi, il faut retrouver Hiver. Enfile ce manteau, nous partons maintenant ! dit l'homme qui tenait en joue l'enfant.
-Je ne rentre pas chez moi ? prononça difficilement l'enfant retenu par Morphée.
-Non, pas tout de suite ! Il faut, impérativement, tu m'entends ? Impérativement retrouver Hiver. dit l'homme articulant dans une danse facial chacun de ses mots.»
L'enfant retomba sur le sol, comme une goutte sur le béton. L'homme portait un manteau brun caramel qui surmontait le pull cramoisi d'hier, et un regard affûté de diable. Dans la chambre, l'enfant prit dans une petite armoire recroquevillé dans un coin de la pièce, un vieux pantalon décousu beige et le manteau qu'avait pointé l'homme : c'était un manteau bleu trop long pour l'enfant qui ne lui allait pas du tout.
L'enfant emboîta le pas de l'homme pressé qui ne semblait plus le même. La fuite de son chien l'avait changé en monstre gonflé d'anxiété, qui n'avait plus pour seul but que de pourchasser à travers le monde Hiver. L'homme prit en slalomant entre les meubles, une lampe portative cuivré noir.
Les deux aventuriers, qui faisaient pitiés à voir, sortir de la cabane cossu. Ils défiaient du regard la forêt rampante qui les encerclait. L'enfant paru étonner par cette neige en plein mois de Juillet, une malice de Saturne, semblait-il. Les deux derniers chiens sédentaires n'aboyaient pas, mais observaient leur maître, tels deux sages observant une guerre prochaine.
L'enfant et l'homme marchèrent tout le jour, s’enfonçant de plus plus dans le gosier du bois qui prenait plaisir à les avaler. L'homme hurlait «Hiver!» dès qu'il pouvait, réajustant sa capuche rouge qui trônait sur son crane, cachant sa vieillesse et sa faiblesse.
Perdu dans ce gouffre incane, les deux êtres étaient deux âmes errantes dans le vide et l'absolu. L'homme sombrait dans le désespoir à voir sa recherche sombrer dans le néant tacite du bois. Le vieux s'écroula dans la neige, qui lui faisait un nid funeste. Son visage était si blême et résigné, qu'on eut cru qu'il avait embrassé l mort. L'enfant pris peur et enjoignit le berceau mortel. On ne voyait plus, ni maison, ni espoir. L'enfant ne comprenait plus en sa sainte raison, comment il en était arrivé à la. Comment, fuguant de sa maison pour narguer ses pauvres parents, il en était là, affalé dans la neige fraîche avec un vieil homme broyant du noir dans l'étendu trop coloré. L'absurde lui venait en tête, mais pas le rire. C'était une folle histoire que celle-là. Il lui vint à l'esprit, qu'ainsi était la vie libre, et qu'ainsi vivait Ulysse.
Il observait l'homme qui semblait avoir tout perdu, dont la neige créait déjà le tombeau. Tout allait trop vite. La nuit avait peut être rendu fou l'homme, et l'avait amené à poursuivre des fantômes. L'enfant tentait de tirer l'homme dont le visage avait une expression inaccompli. Puis, l'homme mourra.