Je plie toutes les lettres que l'on m'envoie
Ça fait un bon tas à brûler
Assis sur ma cheminée, j'espère qu'ils voient
La fumée pâle de papier et de promesse
Je renvoie tous les mots que je reçois
A des inconnus dont j'invente l'adresse
Ça file du travail au postier
J'imagine leurs têtes sous le porche
Quand ils trouvent ces pièces au fond de la boîte
Des enveloppes en liasse, perdues par leur propriétaire
Leurs visages mous en liesse et leurs cheveux lissés
Ils se demandent entre deux factures d’électricité
Débordant d'ennuis et de tracas, le fin mot de l'histoire
Qui peut être l’expéditeur et le destinataire
L'auteur et sa pensée
Le corps de la lettre est le corps du désiré
A qui l'on jette dans le vide des postes de ville
Son propre corps ancré à la cire et la signature
Ils épient, assis dans le calme jaune d'une cuisine,
Dans chaque mot laissé par une main
Heureuse, pressée, pleureuse, lassée, prêteuse, cassée
Le sens de chaque lettre versée
Pour la correspondance
Si nous étions sincères, la lettre serait plus lourde qu'une plume
Le service postal serait submergé
Les facteurs sur leurs bicyclettes n'atteindraient jamais nos portes
Les pigeons et les coucous voyageurs s'écraseraient dans le désert
Les lettres seraient bien trop alourdies par tout ce que nos cœurs voudraient dire
Et jamais personne ne recevrait de courrier.
Ce serait des colis au long-cours
Livrés par des catapultes
Ils atterriraient près de nous,
Délivrés du doute de ne pas être lues
(Les lettres sont sentimentales)
Je plie toutes les lettres que l'on m'envoie
Ça me fait trop mal de croire que ça n'est pas que du papier
Que du langage
Assis sur mon imprimante, j'espère que les messages égarés égaient ceux qui n'attendaient aucune nouvelle